Yoga

Le rêve américain ?

Allumés par leur découverte du yoga et par l’effervescence du milieu, plusieurs jeunes praticiens rêvent de devenir professeurs et même d’ouvrir leur propre studio. Un rêve réalisable, certes, mais qui demande beaucoup d’abnégation et de temps… et qui est loin de faire empocher le magot.

Le yoga est sans aucun doute devenu une entreprise, du moins en Occident. Une tendance de fond, portée notamment par Yoga Alliance. L’organisation affiche clairement son penchant pour le côté « business » du yoga, en proposant aux nouveaux entrepreneurs des conseils et trucs pour mieux faire grandir leur entreprise. En 2013, la YA a même organisé sa première « Business of Yoga conference ». Une contradiction profonde pour les puristes, mais qui semble faire sens dans la société capitaliste occidentale.

Pas étonnant que plusieurs voient dans le yoga une occasion d’affaires, un phénomène qui a été observé dans le film Yoga Inc.. Selon une enquête du Yoga Journal, de 2008 à 2012, les praticiens ont doublé leurs dépenses en classes de yoga et produits dérivés aux États-Unis.

Mais entre les superstars du yoga américaines comme Shiva Rey et le jeune professeur qui commence à donner des cours, il y a un énorme pas.

« Il y a des gens qui arrivent au yoga dans une vision de business en y voyant une opportunité entrepreneuriale. Mais il n’y a pas de “passe de cash” à faire ! », assure Marie-Daphnée Roy de Yoga Bhavana.

Tous les professeurs de yoga à qui La Presse a parlé sont d’accord sur ce point : ce n’est pas pour devenir riche qu’on consacre sa vie au yoga. « Il y a un grand rêve romantique autour du yoga et plusieurs personnes pensent que c’est très payant. Mais c’est loin d’être le cas ! », note Lyne St-Roch.

« Pour arriver à gagner 25 000 $ par année avec le yoga, il faut donner entre 11 et 13 cours par semaine, ce qui est énorme. Il faut être en forme, intègre et dédié, car la plupart des cours vont se donner aux quatre coins de la ville. Certains vont ouvrir leur centre : mais cela fait qu’ils doivent également devenir gestionnaires, ce qui demande d’autres compétences ! », fait remarquer Sylvie Tremblay de Yoga Sangha.

UN CHOIX DE VIE

Il faut dire que, pour plusieurs aspirants professeurs, ce projet va au-delà de l’aspect financier et demeure une démarche spirituelle.

« Le yoga allie enfin le corps et l’esprit, ce qui est un des chaînons manquants des religions du passé, selon moi. En proposant un système où tout est honoré, le yoga parle à plusieurs personnes. C’est la raison pour laquelle plusieurs vont vouloir aller plus loin, soit en allant à la source, en Inde, ou en faisant une formation plus accessible, près de chez eux », remarque Sylvie Tremblay, tout en précisant que ce ne sont pas tous ceux qui suivent une formation qui se destinent à une carrière en yoga.

Geneviève Colmer, qui cumule cinq ans de pratique régulière, suit actuellement sa formation professorale chez Luna Yoga, dont elle apprécie l’approche très humaine. Mais c’est réellement l’automne dernier que le yoga est devenu partie prenante de son quotidien et qu’elle a commencé à penser suivre une formation.

« Le yoga m’a fait réaliser des trucs très précieux sur comment je me traitais –
je suis très exigeante avec moi-même –
et comment je traitais les autres. » 

— Geneviève Colmer

« Initialement, j’ai décidé de suivre la formation parce que je voulais absorber tout ce que je pouvais sur cette merveilleuse pratique et ensuite partager ces connaissances, raconte Geneviève Colmer. Cette raison est encore valide, mais ça va plus loin encore. En faisant du yoga quotidiennement, en plus de la méditation, j’ai commencé à vivre des changements assez importants qui sont difficiles à expliquer, mais super positifs. J’ai commencé à réaliser que le domaine dans lequel j’étais n’était plus tout à fait pour moi et que je voulais que ma carrière soit une contribution. Je voulais faire une différence dans la vie des gens. »

En février, Geneviève Colmer a donc quitté son emploi de directrice des opérations dans un magazine de mode et a démarré un blogue personnel, The Red Fairy Project, le point de départ de son projet de mettre sur pied une entreprise centrée sur le mieux-être, où elle aimerait proposer des cours privés de yoga et du coaching.

« J’ai plutôt choisi un mode de vie, fait écho Catherine Lapointe-Dubois, une ancienne enseignante pratiquant depuis six ans, ayant récemment fait sa formation de 200 heures et fêté le premier anniversaire de fondation de son studio Namaste Yoga à Québec. Je ne voulais pas envoyer mes enfants tous les jours à la garderie et c’est une façon pour moi de rester à la maison. Ce n’est pas l’opulence, mais c’est le calme au quotidien. C’est ce que j’ai choisi en achetant une entreprise. C’est sûr qu’ouvrir un studio est une opportunité d’affaires… Mais tu ne fais pas des affaires avec le yoga ! », conclut-elle.

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